Entretien avec Timothée Calame.

 

 

Timothée Calame est artiste plasticien et l’un des interprètes principaux du premier long-métrage « Occupy the Pool » de Seob Kim Boninsegni, produit par Offshore et présenté en compétition et première mondiale au GIFF – Geneva International Film Festival en 2015.

Entre personnage fictif et incarnation documentaire inspirée de sa propre vie d’étudiant à la HEAD – Haute Ecole d’art et de design de Genève, Timothée Calame donne souffle et chair à la génération Y, que l’on se contente sans doute trop facilement de qualifier de désabusée. Dans cet entretien, il sera question ici de fêtes, mais aussi de marché du travail, de responsabilité et de choix de vie quand on a 20 ans et que l’on veut se consacrer pleinement à une activité artistique dans la réalité économique de ce monde.

 

 

Vivre d’un métier d’art

Une expérience générationnelle.

Je me reconnais aujourd’hui sans me reconnaître dans Occupy the Pool. C’est une question de sensibilité et d’état d’âme qui ne sont plus les mêmes aujourd’hui. J’avais 21 ou 22 ans quand j’ai fait ce film. C’est une période où il s’est passé des choses assez fortes dans ma vie. Je crois qu’il y a une sorte de passage, quelque chose de chimique qui se passe à cet âge-là. Comme l’observe Soeb Kim Boninsegni le réalisateur, notre génération est laissée pour compte, mais je ne pense pas que ce soit propre à cette époque. L’écart existe forcément entre les jeunes et les plus anciens, et je ne le vois pas forcément comme un mal. Plus le sentiment d’abandon est intense et plus cela pousse les gens à s’organiser de façon autonome. Ce que l’on voit dans le film correspond à ce qu’il se passait à l’époque entre nous. Nous avions des espèces de rituels en commun, des modalités de partage et de consommation. Toutes ces fêtes, toutes ces soirées, nous en avons peut-être tiré et appris quelque chose. Nous y avons peut-être aussi perdu des plumes alors que d’autres ont poussé…

Vers une conception différente des métiers d’art.

J’ai participé en 2012 à la création du centre d’art, Marbriers 4 qui propose des expositions et des performances que l’on peut étiqueter comme art contemporain, mais je ne me définis pas comme plasticien pour autant. Je ne suis pas acteur non plus, même si j’ai joué dans ce film et que j’ai aussi fait du théâtre. Je préfère me dire artiste au sens large, sans spécialité. Tout peut potentiellement m’intéresser, la pratique de l’art comme l’aspect social de l’activité artistique. J’écris, je peins, je chante… je flâne, je me perds ! A vrai dire, je n’ai pas envie de me définir, car je n’ai pas envie d’être catégorisé. J’envisage les choses d’un point de vue très expérimental. Il m’arrive de peindre par exemple, mais peut-on pour autant m’appeler peintre ? Pas forcément. Je peux faire l’expérience de la peinture sans forcément m’intéresser à l’histoire de la peinture.

Financer ses activités plutôt que d’en vivre.

La question est vite réglée et l’équation est simple : un minimum de travail, alimentaire j’entends, et un maximum de temps à consacrer aux idées et aux désirs. Je n’ai pas de boulot fixe, mais je me débrouille. Je fais des petits trucs par ci par là. Je fais tout pour cumuler suffisamment d’argent et avoir de quoi vivre, sans rien mettre de côté et sans trop penser à un éventuel troisième pilier (fond de prévoyance suisse basé sur l’épargne volontaire, en prévision de la retraite). Je fais tout pour avoir ce qu’il me faut pour pouvoir créer, m’adonner à des réflexions sur la société dans laquelle je suis censé m’émanciper ou réaliser des projets plus personnels.¶

 

 

Cet entretien a été réalisé le 11 novembre 2015 par Delphine Luchetta à la Salle communale de Plainpalais à Genève pour Geneva Business News.