Entretien avec Isabelle Carré.

 

 

Isabelle Carré est comédienne.

Dans « La femme défendue » réalisé par Philippe Harel et produit par Lazennec, elle interprète le rôle de Muriel, une jeune célibataire sans attache convoitée par un homme marié. Le film était présenté au GIFF – Geneva International Film Festival en septembre 1997 où Philippe Harel et Isabelle Carré se sont rendus.

 

 

À propos du film « La femme défendue », seconde partie

 

 

Les répétitions.

On a répété en fait pendant un mois. On s’est vus entre deux et trois fois par semaine dans des endroits qui ressemblent un peu à ceux du film : des cafés, des jardins. C’était pour s’imprégner des environnements de l’histoire et aussi se familiariser l’un à l’autre parce qu’on ne se connaissait pas du tout. On a appris nos textes à l’avance, un peu comme au théâtre. Ce qui comptait, ce n’était pas forcément de savoir ce qui allait se dire en face. Il fallait garder une certaine spontanéité.

Comment travailler.

J’ai passé des essais. A ce moment-là, et c’est le seul véritablement, j’ai eu très peur. Je me suis dit : « Comment accepter d’être à l’écran pendant 1h40 sans avoir la trouille ». Je me demandais si le procédé allait tenir. Ca n’a jamais été vraiment fait, à part « La Dame du lac » (film américain de Robert Montgomery), réalisé en 46 (selon les archives officielles, en 47). Philippe (le réalisateur de « La femme défendue ») m’a montré le film que je trouvais très beau. C’était assez courageux de réaliser ça à cette époque-là. J’ai le sentiment pourtant que l’actrice de ce film joue pour deux. C’était un peu le danger de « La femme défendue » : essayer de combler un vide. Mais en fait, je n’ai pas du tout eu l’impression de jouer seule parce que Philippe s’est investi comme comédien.

Le choix du rôle.

Au cinéma, souvent votre image première, telle que vous êtes, est très importante. On me catalogue dans des rôles d’ingénue, plutôt… en tous cas dans les rôles de fille fragile et fraîche (Elle rit très fort). Le film de Philippe prouve que c’était possible de dépasser un peu ça. En fait, on est pas un, on est mille. Le tout est d’aller chercher le rôle dans cette multitude. Avec du travail, on y arrive. C’est Brel qui dit d’ailleurs que c’est l’envie qui donne du talent.

Souvenirs cannois.

J’ai vu le film une fois. Après à Cannes, on ne peut pas dire que l’ai vraiment vu parce que j’étais tellement occupée à entendre si les sièges claquaient, si les spectateurs ne s’en allaient pas. En plus, j’avais le souvenir d’avoir joué une pièce dans ce théâtre, là où les film avait été projeté. Et là, les sièges claquaient. Pendant le festival, tout c’est très bien passé, nous avons été très bien accueillis. Juste avant Cannes, j’ai eu six mois de chômage. Le contraste était assez saisissant. Durant les prochains mois de chômage, j’essaierais de penser à Cannes, ça fera un juste milieu ! Au festival, on faisait toutes les interviews. Toutes les dix minutes, tous les quarts d’heure, il y en avait une autre. On est resté trois jours. Je ne suis même pas sortie. Le soir, j’allais me coucher et j’attendais que ça recommence. C’était incroyable, et en même temps, j’ai eu l’impression d’être un zombie. C’était tellement une atmosphère électrique et excessive, que c’était peut-être ma façon à moi de me protéger aussi, d’être comme une somnambule. (A ses mots, nous faisons référence à cette journée à Genève qu’elle et Philippe Harel ont entièrement consacrée à la promotion du film. Elle acquiesce dans un grand éclat de rire.). C’est une joie de parler de ce film. Vraiment. Je ne connais pas une comédienne qui ne soit pas folle de joie d’avoir un rôle pareil.¶

 

 

Cet entretien a été réalisé le 18 septembre 1997 par Alexandre Efrati et Delphine Luchetta à l’Hôtel du Rhône à Genève et a été publié dans le numéro 32 de l’agenda culturel La Clef.