Entretien avec Laurent Leisi.

 

 

Le fait de donner la parole à un représentant de la droite dite dure peut étonner dans un journal concerné par essence par la cause des étrangers. Or, parce que nous ne pensons pas que les fervents partisans du oui à la nouvelle loi sur l’asile soient nécessairement xénophobes, nous avons cherché à entendre leurs idées, loin des récents débats politiques officiels, qui, il faut le dire, se sont révélés plutôt confus. Car si il est bien une chose que ce dernier référendum aura démontré, c’est qu’il devient de moins en moins évident de se fier aux clivages traditionnels. On peut en effet être socialiste comme Simonetta Sommaruga et soutenir une réforme opposée aux valeurs de son clan. On peut aussi être patriote et prendre position en faveur des peuples syrien et grec, comme le montre Laurent Leisi, conseiller municipal du parti populiste Mouvement Citoyens Genevois, questionné au lendemain des votations fédérales du 9 juin 2013.

 

 

Retour sur la nouvelle loi suisse sur l’asile politique

 

 

Entre Dos Mundos – Vous avez soutenu cette dixième révision de la loi sur l’asile. Que peut elle apporter, sachant que les précédentes n’ont eu guère d’effet sur les abus et l’afflux des requérants ?

Laurent Leisi – Je ne connais pas le détail des révisions précédentes. Dans le cas de celle-ci, certains changements sont fondamentaux, entre autre le délai de traitement. Il était en effet inhumain de faire espérer et attendre durant deux ans les candidats à l’asile. D’autant qu’infiniment peu sont finalement acceptés. La très grande majorité des demandeurs s’appuient sur des motifs strictement économiques, une partie étant même gangrenée par des réseaux criminels organisés qui se servent de l’opportunité de résidence temporaire en Suisse pour étendre leurs marchés. Les statistiques de police sont assez éloquentes sur le nombre de candidats se livrant au trafic de drogues. En conséquence, il ne sera plus rentable pour les réseaux mafieux d’envoyer des petites mains en Suisse. Et pour ce qui est des candidats économiques, la rapidité de procédure en dissuadera beaucoup ou les incitera à déposer rapidement une nouvelle demande dans un autre état. Cela nous permettra surtout de garantir de manière respectueuse et effective, l’asile aux authentiques réfugiés qui risquent leur vie dans leur pays d’origine, et c’est bien là, le rôle que la Suisse se doit de jouer. L’afflux excessif de requérants mettait en danger le bon déroulement des opérations et le respect dû aux demandes justifiées.

Entre Dos Mundos – Vous faites partie de la commission chargée d’auditionner les candidats à la naturalisation à Genève. Qui sont les étrangers qui se présentent et comment se déroulent les entretiens ?

Laurent Leisi – Je suis commissaire à la naturalisation depuis ce mois de juin, dans un groupe qui change chaque année. Je suis très enthousiasmé par cette responsabilité car j’attache beaucoup d’importance à cet acte engagé qu’est la demande de citoyenneté. Elle est profondément honorable, elle est la preuve d’une volonté d’identification et d’attachement à notre patrie. Sans vouloir entrer dans les détails qui sont confidentiels, la grande majorité des candidats à la naturalisation sont des gens intégrés et respectueux de nos mœurs et coutumes qu’ils ont acquis depuis longtemps, voire depuis la naissance. Beaucoup considèrent cet acte de foi comme une reconnaissance d’appartenance. Ils éprouvent une certaine fierté de pouvoir s’identifier à la communauté helvétique.

Entre Dos Mundos – Vous alertez régulièrement des dangers du multiculturalisme et du libre échange, deux valeurs défendues par la grande majorité des médias et des intellectuels occidentaux, car vous y voyez une idéologie totalitaire, qui, loin d’être humaniste, ne tolère aucune contestation et ne sert que les élites..

Laurent Leisi – Le multi-culturalisme forcé est un échec total. Un simple sens de l’observation suffira pour ériger ce fait en évidence. Partout où la société cosmopolite a été imposée, la réaction naturelle et inéluctable est une communautarisation des différentes populations. J’invite le lecteur à cette simple réflexion: « On ne respecte que ce qu’on estime ».

Entre Dos Mundos – Que dire sur la politique d’immigration du canton, en tant que place financière, zone frontière et ville onusienne ?

Laurent Leisi – Genève est une ville devenue cosmopolite. De ce fait, elle perd une certaine identification nationale et voit poindre des semblants de mouvements communautaires. Sa politique d’immigration est soumise au droit fédéral, et tant bien que mal, notre ville tente de s’y conformer, avec les excès et abus qu’imposent indirectement sa position de ville frontière. Ceci d’autant plus dans un pays où la monnaie et le coût de la vie sont notoirement différents. L’équilibre est donc particulièrement bouleversé. Les vases communicants ne réagissant pas sur les mêmes éléments. Il y a de très nombreuses situations d’injustices, autant de ce côté-ci de la frontière que du côté de la France. La spécificité genevoise n’étant pas particulièrement relevée par les lois fédérales, il est fort difficile pour les pouvoirs politiques de la région de réguler l’ensemble de ces flux, qui malheureusement déstabilisent l’ensemble du système.

Entre Dos Mundos – Vous craignez finalement que les pays, et pas uniquement la Suisse, perdent leur souveraineté nationale et populaire face au mondialisme. Ne pensez-vous pas défendre une utopie ?

Laurent Leisi – Non ! La plupart ne l’ont pas encore compris, mais le combat planifié depuis fort longtemps par une élite oligarchique et financière, se situe entre une vision d’un monde global, désidentifié et lentement acculturé, et une vision de cohésion des cultures et des identités enracinées, qu’elles soient nationales ou même continentales. J’oppose en effet une diversité humaine conséquente de la multitude de nations, de cultures et de racines, à l’aseptisation d’un monde monocolore où toutes les diversités et identités ont disparu. Le terroir et ses spécificités contre Coca-Cola et Mosanto en somme ! Cette citation de Jacques Attali (économiste français régulièrement consulté par les médias, également proche du gouvernement de Hollande et de feu Mitterand) image fort bien la situation: « Les nations de demain devront être perçues comme de simples hôtels de passage ». En clair, les nations devront toutes être conformes à un standard, à la même nourriture, aux mêmes horaires, aux mêmes habits et aux mêmes mœurs. C’est pour moi un véritable génocide de la diversité. Combien d’ethnies ont disparu de la surface de la Terre ces cinquante dernières années ? Je ne les dénombre malheureusement plus. Cette situation est effroyable. Nous tentons tant bien que mal de sauver les animaux en voie de disparition, ce qui est bien entendu fort honorable, mais sur l’autel du veau d’or, du tout marchandable et consommable des mondialistes, nous détruisons des civilisations entières. C’est un génocide culturel, ethnique, identitaire. Une perte inestimable pour l’humanité !¶

 

 

Cet entretien a été réalisé le 7 mai 2013 par Delphine Luchetta à Genève et a été publié dans le numéro 34 du mensuel Espace Solidaire Pâquis.